Le matériel de reliure : la presse

Sommaire

1. Introduction

La reliure d'art artisanale que nous pratiquons dans notre association nécessite un matériel spécifique dont la qualité est souvent la clé de la réussite dans l'exécution des opérations de reliure d'un livre. Mieux connaître la technologie du matériel de notre atelier peut nous aider à mieux l'utiliser et peut être à en apprécier son évolution.

2. Le matériel de reliure : la presse

Les presses en bois de conception traditionnelle sont très utilisées (nous en possédons quatre) pour faire l'endossure, le rognage et la mise en presse. Si ce matériel est de bonne facture, la pression exercée pour la mise en presse est largement suffisante (1).

Presse traditionnelleFig.1 : Presse traditionnelle.

Ces presses sont constituées de :

  • trois éléments en bois : la mâchoire fixe, la mâchoire mobile et la traverse.
  • deux guides métalliques.
  • une vis et son écrou fixé à l'intérieur de la traverse.

La mâchoire fixe et la traverse sont solidaires, reliées rigidement et à distance par les deux guides.

Fonctionnement de la presse

Pour l'action de serrage, la vis reçoit un mouvement de rotation dans le sens horaire et en même temps un mouvement de translation puisque l'écrou est fixe. La vis pousse la mâchoire mobile vers la mâchoire fixe.

Presse traditionnelle en opération de rognageFig.2 : Presse traditionnelle en opération de rognage.

La mâchoire mobile doit se déplacer librement sur ses deux guides avec un minimum de jeu de façon à ce que les faces internes des deux mâchoires restent parallèles entre elles, notamment pendant l'opération d'endossure où le serrage doit être maximum au niveau des mors du livre. L'élément le plus sollicité pendant l'action de serrage est la traverse puisqu'elle reçoit la réaction des forces en son milieu, au niveau de l'écrou. Elle est d'autant plus vulnérable qu'elle a été évidée pour le logement de l'écrou et le passage de la vis. En conséquence la section de cette pièce en bois qui travaille à la flexion doit être renforcée. C'est l'élément qu'il faut surveiller pendant l'action de serrage important.

Ces presses sont généralement posées sur un châssis ou établi (fig. 1 & 2) selon trois positions :

  • Verticale pour l'action de mise en presse (fig. 1).
  • Horizontale pour l'opération de rognage (fig. 2).
  • Horizontale, par un retournement de 180° pour l'opération de rognage.

3. Les avantages et inconvénients de la presse traditionnelle

L'avantage de ce genre de presse est qu'elles sont universelles. Leur principe de fonctionnement est bon, relativement facile à fabriquer. Il faut miser sur la qualité du bois, sa résistance mécanique à la flexion, une bonne dimension de la section des éléments en bois, un bon guidage de la mâchoire mobile.

Mais elle présente plusieurs inconvénients :

  • Les différentes mises en position de la presse sur son établi nécessitent un effort physique qui peut s'avérer fatiguant (la presse seule peut peser 20 kg).
  • La position verticale est instable voire dangereuse.
  • Le changement de position (verticale - horizontale) peut s'avérer impossible lorsque les éléments encombrants sont serrés dans la presse.

Pour palier aux inconvénients des manipulations difficiles il faut faire évoluer le support (l'établi) (fig. 1 et 2)

4. Première évolution du support de la presse : le chassis articulé

Nous possédons un appareil de reliure qui permet à la presse de tourner, sans effort physique, pour la placer dans chacune des trois positions citées précédemment. La presse de conception traditionnelle est enchâssée dans son établi spécifique. Ces deux éléments sont adaptés l'un à l'autre et ne peuvent pas être séparés.

Presse traditionnelle articuléeFig.3 : Presse traditionnelle sur chassis articulée.

5. Seconde évolution du support de la presse : le chevalet articulé

Un chevalet articulé a été inventé et fabriqué spécialement pour notre atelier de reliure. Le but de cette invention est de rendre possible l'orientation selon les trois positions ci-avant décrites, des presses de conception traditionnelle, de toutes dimensions pourvu qu'elles soient en bois. En éliminant tout effort physique, avec une grande sécurité, la rotation de la presse étant parfaitement équilibrée, sans balourd, sans risque de basculement intempestif.

Presse traditionnelle sur chevalet en position verticaleFig.4 : Presse traditionnelle sur chevalet en position verticale.

Presse traditionnelle sur chevalet en position horizontaleFig.5 : Presse traditionnelle sur chevalet en position horizontale.

Avec ce chevalet, la presse est indexée (mise en butée) dans chacune des deux positions horizontales. Un système de verrouillage permet de l'immobiliser dans chacune des trois positions horizontales et verticale. L'accessibilité est importante, c'est-à-dire que l'on peut la faire tourner même si des éléments importants sont serrés dans la presse.

Le chevalet comprend deux ferrures symétriques (fig. 6) destinées à être fixées par des vis à chaque extrémité de la mâchoire fixe de la presse. Chacune de ces ferrures porte un axe de rotation. Le sous-ensemble ainsi formé par la presse et ses deux ferrures vient se placer sur le chevalet, les deux axes des dites ferrures venant se loger dans les fourches des éléments plats du chevalet (fig. 6). Un système de blocage interdit tout mouvement à la presse, autre que celui de la rotation selon l'axe horizontal XX' (fig. 6). Deux butées limitent la rotation à 180°.

Presse traditionnelle sur chevaletFig 6 : Presse sur chevalet en position horizontale.

Le chevalet articulé comprend un système d'équilibrage destiné à contrebalancer le balourd dû à la conception de l'ensemble (fig. 6). Ce système est composé de deux contrepoids fixés sur les dites ferrures. Leur masse est adaptée au poids de la presse.

Le chevalet peut être réglé en hauteur (fig. 5) pour être adapté à la taille de l'opérateur. Le chevalet peut être ajusté pour recevoir des presses de tailles différentes, les traverses télescopiques (fig. 4) permettent cette adaptation.

6. Autres évolutions du matériel

La presse à relier de conception traditionnelle qui figure dans cette présentation a été adaptée spécialement pour réaliser les opérations d'endossure et de rognage, pour en faciliter leur exécution et obtenir une meilleure qualité de travail.

7. Le système d'endossure Kirl'inov

Ce système peut remplacer le marteau à endosser. L'endossure consiste à utiliser l'excédent de matière engendré par le fil de couture des cahiers pour former un dos arrondi ainsi que des mors pour « loger » les plats de couverture du livre. Elle se fait après l'opération de préparation, l'arrondissure. Une endossure bien faite évite le collage de plusieurs couches de papier pour rattraper les défauts de forme du dos. Ces couches successives ayant pour inconvénient de rigidifier le livre à l'ouverture. La presse à relier a été équipée du système spécifique d'endossure qui est une variante de l'appareil à relier portable Kirl'inov (2).

Ce système comprend un maillet spécifique à deux manches. Les deux surfaces de travail du maillet ont un revêtement antidérapant pour « accrocher » les cahiers. Un dispositif composé de deux sangles et de barres d'attache permet d'amplifier la force à exercer sur le dos du livre. Les sangles peuvent être enroulées autour des manches du maillet, elles peuvent se déplacer le long des barres d'attache.

Procédé d'utilisation :

Le maillet Kirl'inov Fig.7 : Endossure avec le maillet Kirl'inov.

  • Serrer le livre dans la presse selon les instructions habituelles.
  • Amorcer l'endossure en couchant les cahiers de part et d'autre de l'axe de symétrie du livre pour former un « éventail » symétrique (fig. 7). En partant du sommet du dos, exercer une légère pression à l'aide du maillet tout en poussant (Exemple vers la droite Fd) - Agir tout au long du dos en déplaçant le maillet. Procéder de la même façon sur le côté gauche.
  • Les cahiers ayant pris leur orientation, de part et d'autre de l'axe de symétrie, amplifier la pression (avec modération) sur les cahiers en utilisant les sangles (fig. 8).
  • Enrouler la sangle droite (un tour) sur le manche droit du maillet et serrer l'enroulement avec la main droite. Appuyer avec l'autre main sur l'extrémité du manche gauche tout en laissant se dérouler, avec retenue, la sangle droite. Le maillet engendre un mouvement de rotation qui a pour but d'entraîner les cahiers de la partie gauche, de les serrer sur les fers de la presse pour former les mors de l'endossure. L'opération se fait progressivement en agissant tout au long du dos par déplacement du maillet et de la sangle.
  • Recommencer la même opération, mais cette-fois-ci, en enroulant la sangle gauche sur le manche gauche du maillet, pour agir sur la partie droite du livre.
  • La pression exercée sur le livre doit être modérée et progressive. Cette pression dépend, d'une part, de la force avec laquelle la main de l'opérateur retient le déroulement de la sangle, serré sur le manche et d'autre part, de la force exercée sur l'extrémité de l'autre manche. Une certaine étude du geste est nécessaire pour maîtriser l'utilisation de ce système mais on obtient une bonne qualité de l'opération d'endossure.

Le maillet Kirl'inovFig.8 : Endossure avec le maillet Kirl'inov.

Dans le cas où le livre est cousu avec des ficelles en relief (couture sur nerfs), il est possible d'agir entre les nerfs, pour former les mors du dos, en utilisant une surface plus étroite du maillet. Ce qui ne peut pas se faire avec le marteau d'endossure.

A suivre ... l'opération de rognage des livres, la découverte d'un matériel innovant et le procédé d'utilisation.

Paul Besuelle - 01 mai 2011


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Sources d'information de cet article

  • Photos Paul Besuelle - 2011 ©
  • Matériel et documentation : Kirl'inov ©

Notes :